La reconstitution de l'organistrum.
Christian Rault, Santiago Compostela, 1993.

   

 

C'est aux environs de l'année 1100 que fut rédigé le traité de Wolfenbüttel où l'on trouve pour la première fois la mention du mot "organistrum." Originaire des abbayes bénédictines du nord de l'Europe d'alors cet instrument si propice à soutenir les nouvelles formes de polyphonies écrites va, en quelques dizaines d'années, se répandre dans toute l'Europe Chrétienne.
Parmi les nombreuses figurations que nous ont légués les XIIe et XIlle siècles[1] il faut bien reconnaître que l'exemplaire du Porche de la Gloire se situe parmi les documents de tout premier ordre. L'on sait l'importance et le rayonnement qu'avait Saint-Jacques de Compostelle, but ultime du pélérinage qui voyait à cette époque un millier de pélerins affluer chaque jour pour être enfin libérés de leurs péchés. Dans cette atmosphère de jubilation intense, l'on comprend mieux dans quel esprit Matéo conçut le Porche de la Gloire: tout devait être à l'image de Dieu: vrai, vivant, parfait.
Les instruments de musique, sculptés sur ce porche ne sont qu'une illustration de cette préoccupation permanente de Matéo qui est allé jusqu'à figurer de nombreux détails purement organologiques que nul ne peut percevoir du pied de l'édifice.
Dans ce contexte exceptionnel l'on peut penser que ce n'est pas un hasard si l'organistrum est placé au sommet de l'archivolte, juste au dessus de l'imposant visage du Christ en Gloire, centre de toute la composition.

 


Vieillards 12 et 13 vus de dessus.

 

Quoi qu'il en soit, cette situation privilégiée est toute en rapport avec le niveau d'exécution de sa sculpture: la richesse de son décor est exceptionnelle et reste inégalée dans le corpus d'organistrums connus. Mais surtout, l'ensemble de l'appareillage acoustique (chevalet, roue, manivelle, axage, clavier) ont été copiés avec une rigueur incroyable, aucun détail n'a été omis et chacun d'eux est parfaitement à sa place ou presque ... car comme nous allons le voir les pièges et les problèmes vont surgir au fur et à mesure où nous allons avancer ce travail.
Une des tâches les plus importantes va être de réaliser enfin un dessin qui corresponde précisément aux données du document. Grâce à la présence de l'échaffaudage nous pourrons vérifier sans cesse les informations et accéder à toutes les faces cachées, à tous les recoins, à toutes les observations et toutes les mesures.
Si, vu d'en bas l'instrument est imposant par son volume, par sa grande taille et sa hauteur d'éclisse, la première sensation lorsqu'on peut accéder à sa hauteur est une certaine déconvenue devant la petitesse de la "chose"; l'instrument ne mesure que 77cm et seulement 6cm de hauteur d'éclisse. Ce désenchantement est d'ailleurs général car les Vieillards de l'Apocalypse si majestueusement posés sur les voussures qui leur servent de siège, semblent être, malformés: le torse démesurément allongé, les jambes atrophiées, le volume de la tête et des mains disproportionné.
Qu'importe; à défaut de pouvoir utiliser une des parties du corps d'un des Vieillards de l'Apocalypse (visage, main ou bras) comme échelle de comparaison, nous plaçons deux de nos camarades d'une taille correspondant à la moyenne de l'époque (l,60 m.), assis face à un miroir précisément dans la même position que nos vieillards, séparés par la même distance, faisons quelques essais avec différents modèles en carton et finalement le consensus général s'instalIe sur une cote mini-maxi de 95 à 1OO cm. Cette même méthode se répand un peu partout dans les ateliers pour les différents instruments et une fois les résultats déterminés un rapide sondage nous permet de constater une bonne homogéneité des résultats qui donnent une échelle allant de 1,2 à 1,3 suivant les cas.

 


Les premières mesures et le tracé du dessin.

 

Le dessin peut dès lors commencer et, guidé par l'excellence du document, la structure de l'instrument se met rapidement en place de face et de profil. Le résultat paraît surprenant: cet organistrum est trop plat avec si peu de hauteur d'éclisse que la roue ne saurait y entrer. Après vérification des cotes, la perplexité est d'autant plus grande que vu d'en bas, l'instrument semble correctement proportionné.

Déformations et perspectives.

La représentation de l'organistrum a subi les mêmes règles que l'ensemble du porche; cette sensation d'être au milieu du cercle des musiciens alors que l'on contemple une scène à 15 mètres à la verticale est obtenue par une très savante déformation des proportions. En allongeant les plans fuyants par rapport à l'oeil du spectateur (les bustes) et en réduisant les plans frontaux (les cuisses, les avant bras) Matéo donne vie à une scène qui sinon aurait été maladroite et hiératique et ce, avec d'autant plus de maîtrise que l'échelle des déformations se modifie graduellement au fur et à mesure ou le regard se déplaçant sur les Vieillards de l'Apocalypse descend depuis le sommet jusqu'aux fondements de la voûte appuyée sur les chapiteaux couronnant les apôtres.
Ainsi, le désenchantement éprouvé lors de nos premiers accès au sommet de l'échaffaudage prend un sens tout différent pour se transformer progressivement en une affirmation supplémentaire de l'incroyable «réalité» de ce Porche.
Quels sont les moyens techniques, les méthodes, qui ont permis à ce sculpteur de mesurer (ou pour le moins d'évaluer) la nature et surtout l'ampleur de chacune des déformations nécessaires à une juste perception horizontale d'une scène située à la verticale? Cela reste un mystère que la préparation et le montage complet de la voussure sur le sol de l'Obradoiro ne suffit pas à expliquer. La façon de résoudre les problèmes de perspectives et de proportions, comme probablement la façon d'être et de penser des contemporains de Matéo est si différente de la nôtre qu'il peut sembler vain de tenter l'apercevoir.

 


Vieillards 12 et 13: les déformations perspectives.

 

Cependant il en subsiste parfois des lambeaux dans nos esprits d'hommes modernes: lorsque l'on a l'habitude de construire des vielles à roue on sait que pour déterminer les dimensions de l'orifice par lequel la roue va saillir de la table d'harmonie pour entrer en contact avec les cordes, il suffit de mesurer la distance entre son axe et le point B de la table. Cette distance est rapportée sur le rayon d'un cercle du même diamètre que la roue et il suffit de tracer la perpendiculaire à ce rayon en ce point B pour obtenir en C D la dimension à donner à l'orifice. Cette méthode semble directement issue du mode de pensée médiéval, car elle oblige, pour comprendre complètement la situation d'un objet dans l'espace à le dessiner de face et de profil sur le même plan. Ce procédé était très utilisé au Moyen Age notamment pour les dessins d'architecture.
Lorsque l'on se trouve devant une table d'organistrum ou tout semble parfaitement en place, où il est facile de constater et de mesurer l'emplacement précis des points C, B et D, l'on cherche désespérément où poser la pointe du compas qui en déterminant le point A définira du même coup le rayon de la roue A F, la hauteur minimum de l'éclisse B E et ainsi que la hauteur du chevalet B F. C'est alors que l'on se rend compte que le centre de la projection en plan de la roue n'est autre que le centre même de la structure de la caisse dessinée de face.

 


Dessin n° 1: ordonnance de la table.

 

Il est alors remarquable que non seulement le dessin en plan de la roue s'inscrit parfaitement dans les autres cercles correspondant aux éclisses et au décor, mais que la distance EB définissant la hauteur de l'éclisse correspond au 1/3 de la largeur de l'instrument (constante qui se vérifie sur toutes les vièles ovales du Porche) et que le diamètre de la roue est égal au rayon des deux cercles qui composent la caisse.
Bien d'autres proportions clefs seraient certainement mises en évidence par une comparaison systématique des mesures des différentes parties composant les cordophones au Moyen Age[2] mais revenons à notre dessin pour constater que l'ensemble de la caisse est maintenant parfaitement cohérent et fonctionnel. Il ne nous reste plus qu'à y adjoindre le plumier paralèlipipédique dans lequel viennent se ficher les tangentes.

Déformations dues à la maçonnerie.

Une seule donnée viendra perturber quelque peu la simplicité de la mise en place... C' est que I'organistrum est le seul instrument joué par deux personnes. Si I'ensemble de la voussure a été composé avec un seul musicien par pierre, I'organistrum se trouve lui taillé dans deux pierres différentes et le joint entre ces pierres, à la jonction de la caisse et du plumier, ne mesure pas moins de 3,4 cm ce qui rallonge considérablement la proportion du plumier par rapport à la caisse.
L'observation de la pierre, à l'extrémité de la caisse qui rejoint le plumier montre qu'un plan y a été réservé pour cet assemblage. D'ailleurs l'arrêt brutal de la sculpture des cordes souligne l'emplacement de cette amputation.
Muni d'une loupe et d'un minuscule burin nous avons, avec de multiples précautions sondé ce joint de ciment très probablement du XIXe siècle, et découvert qu'il recouvrait l'extrémité de la sculpture du plumier. En fait, le plumier se termine à cet endroit par deux petits porches romans dont la base venait en appui sur la caisse, ce qui modifie notablement l'équilibre et l'aspect de l'instrument par rapport à toutes les observations antérieures.
Enfin, la suppression de cet ajoût de ciment permet de constater que la distance entre la tangente la plus éloignée et la plus proche de la caisse correspond précisément à la distance qui sépare cette dernière du chevalet, montrant par là même que l'ambitus de l'instrument était d'une octave. L'ensemble du dessin de l'instrument peut être maintenant achevé et nous pourrons dès lors passer à la phase de construction proprement dite.

 



Le dessin de l'instrument: face et profil.

 

Le choix des bois et la technique de construction

Comme nous l'avons déjà expliqué[3] le choix des bois à utiliser pour un instrument de musique est étroitement lié à la technique utilisée pour sa construction.
Les éclisses de l'organistrum du porche de la gloire comme celles de la majorité des cordophones jusqu'au milieu du XVe siècle se caractérisent par la pratique d'une gorge profonde contournant l'ensemble de la caisse de résonance de l'instrument[4]. Cette observation exclut totalement l'utilisation du fer chaud pour plier les côtés de l'instrument comme cela se pratique de nos jours pour construire les violes et les violons. Nous n'avons d'ailleurs aucune attestation de la pratique de ce dernier procédé avant le XVe siècle.
La table et le fond de l'organistrum étant rigoureusement plats, comme les vièles en forme de huit, nous ne pourrons pas non plus utiliser le procédé le plus ancien et le plus simple pour réaliser des objets creux: prendre une masse de bois, tailler l'extérieur puis excaver l'intérieur, car cette technique prédétermine des dessins plus souples dont les meilleures illustrations sont le rebab et certaines vièles ovales au fond voûté.

 


Processus de construction des éclisses.

 

Nous n'avons donc pas le choix: l'instrument sera chantourné dans un plot de bois dont l'épaisseur doit correspondre à la hauteur requise pour les éclisses. Puis nous scierons l'intérieur de ce bloc de façon à dégager la partie creuse de la caisse de résonance. N'ayant pu trouver dans la région de Santiago un bloc de tilleul sec de la dimension nécessaire, nous avons du préparer et scier le contour de l'instrument dans deux parties distinctes, réunies après avoir ménagé les mortaises destinées à recevoir la barre transversale de butée d'axe.
Après le collage du fond nous pratiquerons sur le pourtour de I'instrument la gorge dont la fonction est d'alléger au maximum la caisse de résonance en lui enlevant toute masse inutile.

 



Construction et assemblage.

 

C'est ce même souci d'allègement qui a conditionné le choix du bois de tilleul: bois sonore, dense, léger et homogène particulièrement apprécié des sculpteurs, parfaîtement adapté à ce type de travail et attesté par les instruments conservés. L'ensemble de l'organistrum sera réalisé dans cette même essence à l'exception des pièces dont le rôle mécanique requiert un matériau plus dur. je veux parler de la roue qui sera exécutée en noyer débité transversalement au tronc comme le veut Ia tradition galicienne, l'axe venant se ficher au coeur de l'arbre. Enfin les petites pièces devant résister à des manipulations répétées, chevilles d'accord, tangentes et bagues recevant l'axe de la roue seront réalisées en os.
La nature de cet axe est restée un moment incertaine; Smits van Waesberghe[5] explique dans un article extrêmement averti qu'il était probablement en bois, mais là encore la sculpture de Matéo fut la référence. Le seul pour qui il n'y eut aucun doute fut certainement le forgeron installé à deux pas de la cathédrale. Une fois gravi les marches bruyantes de l'échaffaudage, il observa quelques instants l'objet du problème, reconnut immédiatement l'assemblage et déclara que rien n'était plus simple. Il retourna aussitôt à la forge et prépara les pièces de métal qui furent obtenues à partir de deux chutes de fer rond. il souda une butée et forgea deux agraphes grâce auxquelles la roue vint se fixer d'une façon irréprochable puis façonna au marteau, en bout de l'axe, le carré destiné à fixer la manivelle.

La structure du plumier est conçue avec le maximum de simplicité: 3 planchettes réunies et fixées sur la partie protubérante chantoumée à cet effet lors de la confection de la caisse, et à l'autre extrémité par le bloc de tête qui recevra également les chevilles d'accord, comme sur les vièles d'archet.
Seule, la planchette qui recevra les tangentes sera préparée dans une planche plus épaisse de façon à mieux les guider. Celles ci seront confectionnées, une par une, en os de façon à rentrer en contact avec les trois cordes simultanément afin de pouvoir produire les trois voix parallèles en quinte et octave définies par l'organum[6].
Le plumier peut désormais être assemblé sur la caisse, et l'on peut commencer la sculpture de la table et du couvercle du plumier. Une fois la table achevée, elle sera collée sur les éclisses de la même façon que le fond, le couvercle quant à lui, sera fixé à sa place grâce à deux charnières de boyau de façon à pouvoir l'ouvrir pour installer les cordes.
Le cordier, appuyé sur un sillet très nettement figuré sur le porche, sera fixé par une corde de boyau de fort diamêtre contoumant l'axe de la manivelle comme à Toro et Estella. Le chevalet, enfin, exemplaire unique pour sa précision et son décor sera soigneusement copié avant d'être placé exactement au centre de la membrane définie par le premier, cercle de la caisse.

 

 

L'axe de la roue est forgé.

 


La roue est installée, le plumier assemblé.

 

Esthétique et acoustique

L'organistrum, instrument qui allie des solutions technologiques nouvelles, a une sonorité surprenante, fut incontestablement le sujet de l'étonnement et de l'admiration des personnes qui le découvraient, suscitant la fierté de ceux qui le possédaient ou le jouaient. Expression de la musique savante de l'époque il prenait, pas la profondeur et l'ampleur de sa voix, une si grande place pami les autres instruments que cela justifiait d'en faire un instrument précieux, richement décoré, doré à l'or fin et polychromé, comme l'étaient la plupart des édifices et des sculptures romanes et gothiques[7].
On a déjà vu que les sculptures profondes pratiquées dans les éclisses avaient également une fonction d'allègement. Il est incontestable que les ouies pratiquées dans la table ont elles aussi une double fonction acoustique en permettant à la fois une meilleure communication avec l'extérieur de l'air en vibration à l'intérieur de l'instrument, mais aussi d'en faciliter les mouvements en libérant la table de la rigidité due à la fixation sur les éclisses. C'est également la fonction des rosaces, très largement ajourées des instruments du nord de l'Espagne qui relèvent du même génie inventif combinant admirablement acoustique et esthétique.
En effet, la table n'est plus considérée comme pour les instruments du nord de l'Europe, comme un résonateur unique, mais comme deux surfaces différentes ayant chacune une fonction acoustique propre, délimitées par chacun des cercles qui la composent. La première partie, celle située prés du cordier supporte tout le système proprement acoustique: le chevalet, remarquablement bien dessiné se situe à la meilleure place qu'il pouvait trouver, bien appuyé au centre d'une membrane circulaire délicatement libérée, assouplie, par ouies situées à son pourtour et soulignée par la baguette perlée. Toujours soulignée par la baguette perlée, l'autre partie circulaire ne devant résister à aucune pression mécanique est entièrement occupée par la grande rosace organisée sur une structure en croix et ornée de motifs végétaux: des palmes.
Le couvercle du plumier est également très largement ajouré par l'utilisation de motifs ou entrelacs géométriques complexes. Ce qui traduit à la fois, la nette volonté de laisser toute la longueur de la corde en contact direct avec l'air ambiant et la tendance à ne pas considérer le plumier comme une simple "boîte à mécaniques" mais bien comme un élément résonateur à part entière, dont le volume intérieur est utilisé au même titre que celui de la caisse dite de résonance.

 



Préparation du clavier et des tangentes.

 

L'accord et les cordes.

Le Musica Enchiriadis[8] eut une importance capitale et resta une référence, permanente jusqu'à l'avènement de l'Ars Nova dans l'enseignement de la musique. Très diffusé, ce manuscrit dont il nous reste encore une quarantaine de copies à l'heure actuelle, décrit plusieurs organum dont le premier, reconnu comme base et archétype, se définit par la superposition de quintes, quartes et octaves parallèles ce qui nous donne le type d'accord suivant: do sol do.
C'est dans un autre traité, rédigé par Paulus Paulirinus[9], que nous trouverons la confirmation claire de la nature des cordes utilisées: des cordes de boyau épaisses et solides.

 


L'importance de la précision des composantes.

 


Le dos du plumier, les chevilles et le clavier.

 


Détail de l'intérieur du plumier.

 

La division des tons.

Une dizaine de textes de l'époque nous sont parvenus, expliquant comment calculer l'écart entre les différentes notes. Bien qu'utilisant divers procédés, tous nous décrivent la méthode attribuée à Pythagore et procédant par divisions au compas de la longueur de la corde en quartes et en quintes successives. Nous en choisirons un seul rédigé sous le titre on ne peut plus explicite de "Quomodo organistrum construatur"[10].
C: du sillet de la tête au chevalet, diviser par deux: on obtient C.
G: du C obtenu au sillet, diviser en 3 pas. Le premier donne G.
D: du G obtenu au chevalet diviser en 3 pas le premier ramené en arrière vers le sillet donne D.
A: du D obtenu au chevalet, diviser par 3, on obtient A.
E: du A obtenu au chevalet diviser en 3 pas, le premier est ramené en arrière vers le sillet et donne E.
H: du E obtenu au chevalet diviser en 3, le premier donne H.
F: du C au sillet diviser par deux on obtient F.
b: du F obtenu diviser en 4, le premier donne b.

 



La sculpture du couvercle du plumier.

 



La préparation de la table.

 


La sculpture de la table.

 

Si l'instrument de Santiago est exceptionnel par sa situation, son décor et sa précision, il se distingue également par le nombre de ses tangentes. De tous les instruments recencés que j'ai étudié, c'est le seul qui présente douze divisions sur une seule octave.
Ceci est d'autant plus surprenant que l'on a l'habitude de dire que l'utitisation des autres altérations (Fa#, Do#, et Mi b) n'apparaissent vraisemblableinent qu'à partir du XIIle siècle. Elles étaient cependant toutes bien connues puisque déjà, Pythagore avait divisé I'octave en 17 parties dont 10 demi tons ascendants et descendants.
Que le clavier de l'organistrum nous permette de produire douze sons différents, soit une octave chromatique, ne signifie pas que cet instrument ait été destiné à autre chose qu'à la musique modale, mais simplement qu'il pouvait varier à volonté la hauteur d'une composition, tout en conservant la possibilité d'utiliser toutes les combinaisons possibles offertes par l'hexacorde.
Pour obtenir l'emplacement de ces demi tons nous avons doublé la longueur obtenue à partir di Si b et recommencé le même calcul que celui précédemment décrit.
En conclusion je voudrai dire que cette expérience a été extrêmement riche en enseignements. Pour la première fois en Europe des historiens, archéologues, musiciens, musicologues et luthiers étaient réunis autour d'un même projet, pour partager leurs points de vue sur un document de tout premier ordre.

 



L'incroyable perfection de la sculpture du Porche de la Gloire.

 

La fréquentation quotidienne avec la partie haute du Porche, les longues heures passées à observer, mesurer, noter, à proximité des Vieillards de l'Apocalypse, nous ont mis dans un état d'écoute et de réceptivité par rapport à l'oeuvre qui n'aurait pu se créer autrement. Chaque jour de travail nous apportait de nouvelles découvertes où l'organologie, la numérologie et la symbolique ne font qu'un. Ce Porche de la Gloire rayonne d'une force et d'une présence qui s'imposent lentement au fur et à mesure que les heures passent en sa proxirnité, nous laissant perplexes et admiratifs devant tant de beauté et de justesse depuis l'ensemble de l'oeuvre j'usqu'au plus minuscule de ses détails.

 


L'organistrum est prêt à sonner.

 



Détails de l'insrument terminé.

 


[1] 24 figurations d'organistrum ont été recensées à ce jour.

[3] Christian Rault: L'organistrum. Paris, 1985, p. 57.

[4] Cette caractéristique perdure jusqu'au milieu du XVIe siècle comme en témoignent entre autres la lira da braccio de Giovanni d'Andrea da Verona, 1511, et la viola da braccio de la même époque, conservées au musée de Vienne.

[5] Smits van Wafsberghe: "Organistrum, Symphonia, Drehleier", in: Handwörterbuch des Musikalischen Terminologie. Wiesbaden, 1972, tome II, p. 2.

[6] Organum ou Diaphonie: terme technique de polyphonie, défini dans le traité Musica Enchiriadis au XIe siècle comme étant la relation, la consonnance qui naît de la superposition de voix différentes. Jusqu'au XIle siècle seuls les intervalles de quintes, quartes et octaves étaient utilisés.

[7] Etienne Boileau: Livre des métiers, 1268, écrit: "Ne faire aucune sculpture en pierre, destinée à l'église ou à tout autre édifice, qui ne soit colorée."

[8] Voir note 6.

[9] Ysis est instrumentum in rnodiim rote introrsus habens cordas nervales grossas et fortes dans J. Reiss: Pauli Paulirini de Praga tractatus de musica (1460) in, Zeitschrift für Musikwissenschaft, 7, 1925, p.264.

[10] Christian Rault: Op. cit p. 116.